dimanche, octobre 14, 2007

Quelques grammes de douceur...

Vous avez aimé l'histoire de Jesse James ?

Vous aimerez celle de Candy Boy.

dimanche, juin 03, 2007

Censures

Dans une mobilisation de ce type, donc, c’est peu de dire que « tout est politique » : ce qui est politique, dans ce cas, ce n’est pas simplement ce qu’on y manifeste (et qui est en quelque sorte réduit à sa plus simple expression : le fait d‘exister, et d‘exister comme une force, une force sociale, un élan collectif, un collectif et non seulement une masse ou un nombre - un collectif dont l’union fait la force plus encore que la masse ou le nombre -, une force « qui compte », avec laquelle il faudra compter, qu’il faudra reconnaître), c’est le simple fait de le manifester (de rendre cette existence visible, avec ses raisons d’être, et de la rendre publiquement visible, « officielle »).

La censure qu’elle défie est des plus rigoureuses et des plus paradoxales : les « normes » à qui elle prétend donner « force de loi » (même - surtout - quand leur existence n’est pas reconnue par la loi) sont censées avoir pour elles - d’après ses propres termes - la force de « l’évidence » ou du « naturel »; elles devraient s’imposer d’elles-mêmes, sur le mode du « cela va sans dire » sinon du « cela va de soi »; elle préférerait ne pas avoir à s‘exprimer; à la limite, elle ne devrait pas avoir à s’exercer; elle est donc d’emblée vindicative : « je ne devrais pas avoir à vous le dire », « ne me m’obligez pas à vous le rappeler », a-t-elle toujours un peu l’air de marmonner dans sa vieille barbe; ce n’est jamais qu’à contrecoeur qu’elle énoncera des « principes » que nous devrions connaître non seulement « par coeur », mais « par corps »; ses rappels à l’ordre, elle les fait passer de façon privilégiée par signaux pré-verbaux - sinon pré-discursifs - et des voies que la raison raisonnante ignore (c’est pourquoi son action aussi bien que les principes de son action sont si difficile à énoncer - sans parler même de les dénoncer); de là l’importance en ces matières de tout ce qui est de l’ordre du regard et notamment du regard qui « n’en dit pas plus » mais « n’en pense pas moins », du regard appuyé, insistant - insistant d’abord sur le fait qu’il vous voit, qu’il vous a vu, qu’il vous a surpris, que vous ne pouvez vous y soustraire, mais aussi qu’il ne devrait pas à avoir à insister, à vous faire remarquer qu’il vous re-marque, qu’il est là et bien là, qu’il était déjà là et bien là, ne serait-ce que virtuellement, dans ce qu’il ne fait que remarquer, dans ces marques déposées qu’il reconnaît maintenant, qu’il ne fait que reconnaître, qu’il ne devrait pas avoir à vous rappeler sa présence et ce qui est présentable en sa présence - ce fameux regard insistant et enveloppant, aimant parfois, mais toujours jaloux ou inquisiteur d’Autrui selon Sartre - de l’autrui qui instaure son altérité par l’exclusive, par le refus de me reconnaître ni comme autre lui-même ni comme autre que lui-même, regard aliénant, regard intrusif, étranger, regard qui vous rend étranger en vous fixant comme une bête curieuse, comme un insecte, regard du dieu jaloux qui lui faisait dire « l’Enfer c’est les autres ». (Mais il ne s’agit pas de n’importe quels autres : les damnés qui hantent cet enfer ne sont en réalité que ceux qui veulent bien y croire, ou ne peuvent faire autrement : ceux qui croient au dieu jaloux ou sont tentés d’y croire ou d’y faire croire ou de se prendre pour lui.)


De là que, l'année dernière, nous ayons pris en photo quelques-uns des gens qui nous regardaient de leur balcon. Non pour les "montrer du doigt" et ainsi les "mettre à l'index", mais parce que justement nous pouvions "les voir en peinture" : regards complices et détendus le plus souvent, curieux ou perplexes parfois, mais pratiquement jamais "inquisiteurs" ou "voyeurs". En tout cas, vous n'en verrez pas ici.







Explication de texte

Aux yeux des gens respectables - de ceux qui ont le genre respectable ou bien qui cherchent désespérément à se le donner - une telle manifestation d’irrespect (une prise de distance aussi « voyante » par rapport à leur sens « intime » - sinon « inné » - c’est-à-dire, en fait, non-distancié ! - des distances « à respecter » - et à afficher - et des limites « à ne pas dépasser », qui sont pour eux de l’ordre de l’« évidence »), une telle manifestation, donc, ne peut manifester qu’une chose : c’est que, désormais, « tout est permis ». Les autres m’accorderont, je l’espère, que certains désirs, certaines aspirations, certaines revendications ne peuvent parvenir à l’existence pratique - avant même de faire valoir leurs raisons d’être et leur légitimité à s’exprimer - sans transgresser les frontières du « possible », du « faisable » et du « pensable » dans leurs univers d’origine, ni parvenir à l’existence publique sans remettre en cause les limites du « présentable » et du « représentable » dans l’espace public ni enfin, bien entendu, parvenir à la reconnaissance publique sans « défendre son morceau de beefsteak symbolique », comme dit Jean-Claude Passeron, et, par conséquent, appeler à modifier la carte, sinon l’ordonnance, du monde social, de l’univers connu et reconnu  : bref, que, pour certaines « causes », il n’y a d’autre choix « réaliste » que de « demander l’impossible », et de le demander, bien entendu, sans demander auparavant la permission de le demander. Si bien que si, aux yeux de certains, l’existence de telles manifestations signifient que « tout est permis » dans le monde social d’aujourd’hui, à mes oreilles elles ne font que rappeler que « tout est politique », nécessairement politique, dans la venue à l’existence publique de ce que ce monde rejetait hier encore comme « immondice »  .

samedi, juin 02, 2007

Défiler (Ne pas se)

La Marche des Fiertés, c'est tout le contraire d'une marche militaire. C'est un espace et un temps sociaux où l'on peut abandonner cet "uniforme civil" par lequel on manifeste son appartenance à la société civile et civilisée (voire à la "bonne" société), les seules "distinctions" autorisées étant celles qui sont "utiles" à la dite société (comme l'énonce la déclartion des droits de l'homme et du citoyen), cest-à-dire les insignes ou lesindices de son rang dans l'odre social, du standing auquel on aspire ou prétend, etc. Mais hors de cet espace-temps, l'epace-temps "normal" n'est pas suspendu, l'ordre continue à régner. La Marche a désormais droit de cité, mais les Fiertés n'ont pas encore droit de carnaval sur la cité. Ceux qui s'y amusent à transfigurer leur "corps de misère" en "corps de gloire" par des voies "hérétiques" s'exposent donc (tant qu'ils restent dans ses limites) à des formes douces d'excommunication - par exemple, au "ridicule" - c'est-à-dire à ne pas être pris au sérieux par les gens qui aiment à se prendre (et à ce qu'on les prenne) au sérieux. Bien heureusement (pour combien de temps encore), ce ridicule ne tue plus (ou plutôt il ne tue plus que "ceux qui y croirent", comme dirait Charles Pasqua) : il n'a plus les moyens de sa politique.

Mais enfin, si nous ne pouvons pas les oublier le reste de l'année (le reste de l'année, c'est leur "Marche" à eux, et ils ne se privent pas d'exhiber leur fierté d'"en être" - du bon côté de la barrière, du batôn, c'est-à-dire de ceux qui, à vaincre sans péril, triomphent sans gloire : c'est dire s'il n'y a pas de quoi être fier), efforçons-nous au moins de les oublier aujourd'hui et contentons-nous d'admirer les artistes.



Parfois, à l'école, des enfants se moquent de moi, parce je porte un "bonnet de fille", disent-ils. Voici ce que j'aimerais leur répondre : "les machines binaires sont des appareils de pouvoir pour casser les devenirs : tu es homme ou femme, blanc ou noir, penseur ou vivant, bourgeois ou prolétaire ?" (Gilles Dleuze, Claire Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion, 1977)



La Marche des Fiertés, c'est aussi le contraire d'un show, d'un défilé ou d'une exhibition. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile à comprendre et à faire comprendre.



Aussi, je laisserai la parole à un grand pédagogue :

"Là nous n’avons plus de secret, nous n’avons plus rien à cacher. C’est nous qui sommes devenus un secret, c’est nous qui sommes cachés, bien que tout ce que nous faisons, nous le fassions au grand jour et dans la lumière crue. C’est le contraire du romantisme du « maudit ». Nous nous sommes peints aux couleurs du monde. (…) Le grand secret, c’est quand on n’a plus rien à cacher, et que personne alors ne peut vous saisir. Secret partout, rien à dire. (…) Nous nous faisons chanter nous-mêmes, nous faisons les mystérieux, les discrets, nous avançons avec l’air « voyez sous quel secret je ploie ». L’écharde dans la chair. (…) On invente toujours de nouvelles races dé prêtres pour le sale petit secret, qui n’a d'autre objet que de se faire reconnaître, nous remettre dans un trou bien noir, nous faire rebondir sur le mur bien blanc. (…) Ton secret, on le voit toujours sur ton visage et dans ton œil. Perds le visage. Deviens capable d’aimer sans souvenir, sans fantasme et sans interprétation, sans faire le point. Qu’il y ait seulement des flux, qui tantôt tarissent, se glacent ou débordent, tantôt se conjuguent ou s’écartent. (…) Chaque ligne où quelqu’un se déchaîne est une ligne de pudeur, par opposition à la cochonnerie laborieuse, ponctuelle, enchaînée d’écrivains français." (Gilles Deleuze, Claire Parnet, op. cit.)



"L’homme ne devient animal que si l’animal, de son côté, devient son, couleur ou ligne. C’est un bloc de devenir toujours asymétrique. Non pas que les deux termes s’échangent, ils ne s’échangent pas du tout, mais l’un ne devient l’autre que si l’autre devient autre chose encore, et si les termes s’effacent. C’est quand le sourire est sans chat, comme dit Lewis Carroll, que l’homme peut effectivement devenir chat, au moment où il sourit. Ce n’est pas l’homme qui chante ou qui peint, c’est l’homme qui devient animal, mais juste en même temps que l’animal devient musical ou pure couleur, ou ligne étonnamment simple : les oiseaux de Mozart, c’est l’homme qui devient oiseau, parce que l’oiseau devient musical." (Gilles Deleuze, Claire Parnet, op. cit.)

Cent fois sur le métier...

Le 10 juin dernier (c'était en 2006, donc), 3 500 hiéroglyphes essayaient de faire bouger la pyramide humaine.



Mademoiselle Distinguée et moi en étions et nous n'étions pas peu fiers d'en être.

Voici pourquoi.

L’un de mes premiers souvenirs de cette manifestation, c’est un sentiment de désorientation heureuse : participer à une manifestation - particulièrement à une manifestation comme celle-ci, à une manifestation dont l’enjeu est justement la mise en question des limites implicites de la « visibilité » dans la vie de tous les jours - c’est justement « s’exposer » au sens le plus fort du terme - s’exposer à des rencontres « improbables » - c’est s’exposer à rencontrer, à un détour ou à un autre du « défilé », un visage « connu », voire « familier » - et s’exposer par conséquent à ce que lui-même rencontre un visage de vous inconnu de lui jusque-là, et qu’ainsi, parce qu’en découvrant la « face cachée » (ou du moins l’une d’elle) de l’une de ses « connaissances » (dont il n’a et n’a à avoir qu’une connaissance toute de surface) ou de l’un de ses « familiers » (dont le visage perd alors justement ses contours familiers, ses traits distinctifs, sa « nature » et son « naturel ») voire de l’un de ses « intimes » (envers qui il n’est pas censé avoir quoi que ce soit à cacher et qui réciproquement ne devrait pas avoir à se sentir « intimidé » par lui), il découvre en même temps une face cachée à son propre univers, vous dépouillez celui-ci de sa sainte simplicité et par conséquent de l’une des conditions vitales de la foi implicite qu’il peut avoir en lui - vous le privez d’un bien précieux entre tous : son « innocence » - sans l’avoir cherché, peut-être, mais nos sans l’avoir choisi. Mise en question de l’identité à soi du monde connu qui se traduit bien souvent par la question - mal posée, mal dite, maudite même, mais pratiquement inévitable - de la possibilité d’identifier l’inconnu : « s’il y est, est-ce par ce qu’il en est ? », « puis-je me permettre de lui poser la question ? » (sachant qu’ainsi je lui laisse la responsabilité d’autoriser ou d’interdire - par une réponse « franche » dans un sens ou dans l’autre - une dénégation dans laquelle j’aimerais sans doute mieux - c’est le choix de la facilité - me maintenir à loisir - « s’il y est, ce n’est pas forcément qu’il en est »). La réciproque, d’ailleurs, est vraie.

J’avoue à ma grande honte m’être posé toute une série de question dans ce goût-là (« dois-je croire que… ? », « croit-il que … ? » « dois-je le laisser croire que… ?), même si, pour ma défense, je peux dire que c’était sur un mode amusé plutôt qu’angoissé (rien ne m’ennuie d’avantage que la feinte - et on ne peut plus forcée - « simplicité » des rapports sociaux qui se donnent comme « naturels ») - je me les posait, donc, jusqu’à que je prenne conscience, justement, que la réciproque était très probablement vraie - qu’il y avait de fortes chances que « en face », on se pose les mêmes questions - en gros : "Que doit-il penser de moi ?" Mais dans mon cas cela signifiait plutôt : "Que va-t-il penser de moi, lui qui sait que je me rallie, non à la famille, mais à la meute (pour parler comme Eugène Sue) ?", "Pour qui je me prends ?", "Pour quoi j'essaie de me faire passer ?", "Qui j'essaie de tromper ?". Et puis je me suis repris et en j'en suis venu à la conclusion que là encore la réciproque était très probablement vraie : après tout, nul d'entre nous n'avait les moyens d'être absolument sûr de l'identité de chacun - et c'était un peu le propos. Nous étions peut-être tous des imposteurs (pensée réjouissante) - mais après tout quelle importance ? N'étions-nous pas là justement pour rappeler que les identités "en bonne et due forme" ne sont que des impostures légitimes (qu'est-ce qu'un juge sinon quelqu'un à qui on reconnaît le droit de se prendre pour un juge? - et de porter une robe, même quand le juge "est" un homme !)et les identifications "certifiées conformes" des prises de possession, des actes de magie - sociale - réussis ?

Aussi suis-je revenu chaque année, pour manifester que je n'avais pas honte de m'"afficher" avec "ces gens-là", au risque d'être compté - quand ce n'était pas tout simplement d'être pris pour - "l'un d'entre eux". (Crainte qui est après tout l'une des sources de l'homophobie ordinaire.)

Bien sûr, cette année-là, en venant ensemble, en marchant ensemble, Mademoiselle Distinguée et moi, on avait plus de chances de passer pour des imposteurs. Mais comme nous étions là justement pour revendiquer notre droit à ne pas désavouer ce que nous sommes, à ne pas renier ce qui nous fait être ce que nous sommes, nos goûts et nos dégoûts, nos ennemis déclarés et nos affinités secrètes, ce que nous aimons et surtout qui nous aimons, bref, à afficher nos couleurs, à troubler et à être troublés.

C'est encore loin, Grand Schtroumpf ?

Aujourd'hui (Samedi 2 juin 2007), c'est le jour de la Marche des fiertés, ex-Marche des fiertés lesbienne, gay bi et trans, ex-Lesbian and Gay and Bi and Trans Pride, ex-Lesabian and Gay Pride, ex-Gay Pride. (Rendez-vous à 15 heures place de la victoire.)Cette succession ininterrompue de changements d'enseigne peut prêter à rire (ce qui ne serait pas un mal en soi), néanmoins, elle témoine d'un souci extrêmement sérieux, qui est d'ailleurs l'une des raisons d'être de cette marche : celui de ne jamais se laisser imposer d'identité, fut-ce une identité qu'on aurait soi-même inventé "pour les besoins de la cause" (pour retirer leur monopole aux identités et aux idées "toutes faites", pour se donner la force de se réinventer soi-même), même si on eu du mal à le faire - surtout pas quand on s'est donné tant de mal pour le faire : ce que le Ché disait des mobilisations révolutionnaires est encore plus vraie des mobilisations "identitaires" (celles qui aspirent à remettre en cause, en question ou en jeu l'identité même de ceux qui y participent - celles dont la "cause" est justement de faire de cette identité une "question sociale" - et d'abord pour eux-mêmes, contre leur propre tendance à s'en remettre aux "évidences" ou à la "providence" - de nature à remettre en question le "jeu politique" - et d'abord leur propre acceptation de ses limites implicites, de ce qui est "de nature" à constituer un enjeu politique ou non): la question de vie ou de mort pour ceux qui montent sur la proverbiale "bicyclette", ce n'est pas seulement de continuer à avancer, c'est de ne pas avancer toujours dans la même direction, d'éviter les pièges, les bombes, tous les nouveaux dangers qui surgissent sur le chemin qu'on invente, ce qui suppose de ne pas s'en remettre à sa propre inertie - autrement dit : si elle avance toujours dans la même direction, elle fonce droit dans le mur - ou dans l'abîme -, il est encore préférable qu'elle "tombe" avant.

dimanche, mars 04, 2007

Même.

Je ne crois pas être en mesure d’apprendre aux lecteurs de ce blog quoi que ce soit qu’ils ne sachent déjà. A ma connaissance (mais j‘admets volontiers qu’elle est loin d’être infiniment étendue), les seuls à le fréquenter sont des gens qui me fréquentent également dans la vie de tous les jours. Par conséquent, ils connaissent « le juif de tous les jours » et non seulement « le juif du sabbat » (pour parler comme Marx). A mon sens, ils savent donc déjà l’essentiel. (Première révélation, donc, pour ceux qui ne le sauraient pas encore : je suis resté marxiste. Indécrottablement marxiste. Et, bien entendu, « marxiste de tous les jours ». Autre révélation - volontaire, celle-là, histoire de ne pas vous induire en erreur : je ne suis pas juif, même « de tous les jours » - quoi que : notre professeur de philosophie de khâgne m’a dit un jour que je mériterais de l’être - ce sont ses propres termes. Sachant qu’il avait été l’année passée l’ « auteur » - le mot ne convient vraiment pas, mais passons - d’un lapsus malheureux sur le sujet, je me suis demandé comment je devais le prendre. Je me le demande encore.) L’essentiel et même, je dois bien l’avouer, à ma grande honte, le reste, toute le reste, même le plus irréductiblement inutile, même le plus indéniablement embarrassant. Je suis pour mes proches comme un livre ouvert - un livre, hélas, parfois, bien du mal à refermer, non parce qu’ils seraient tombés sur quelque chapitre captivant, mais bel et bien sur le piège à loup qui y tient lieu de marque-page. (Nicolas en sait quelque chose, lui à qui ma compagnie a trop souvent valu de se retrouver dans la position de Nick Carraway.) Le reste, tout le reste ou plutôt, pour rester honnête, tous les restes, car il est bien sûr des détails qu’il m’a été impossible de leur révéler (m’échappant sur le moment, peut-être pour toujours) ou qu’il ne m’a pas paru nécessaire de leur révéler (il faut croire que Leibniz à raison, au moins dans mon cas : je ne suis automate qu’à 75 °/° - mais je compte bien améliorer mon score !) voire qu’il m’a paru nécessaire de ne pas leur révéler, ne serait-ce que pour ne pas mettre en cause des tiers.

Aussi mon propos ne dépassera-t-il pas, j’en ai peur, celui de la platitude du pays vanté par Jacques Brel. (« Pour ce que ça nous change ! », me direz-vous.)

1. Je dois avoir six ans. Mon meilleur copain m’a poussé du haut du toboggan - comme d’habitude - sauf que cette fois il m’a aussi poussé hors du toboggan. Résultat : fracture ouverte. Mais on en est pas encore sûr. Le médecin veut découper la manche de mon sweat shirt. Mon sweat shirt à l’effigie de « iti » (E.T. en V.O.). Je m’y oppose. Je préfère encore qu’on me casse le bras une deuxième fois. On en est peut-être pas passé loin. Je ne sais même pas comment j’ai pu m’enticher de ce macguffin (sans doute parce que c’en est un ! Autrement dit - en langue de bois freudo-marxiste - un fétiche). Je veux dire : je l’ignore aujourd’hui encore. A l’époque, je n’ai pas encore vu le film. Je ne le verrai que bien plus tard, peut-être même seulement une fois passé à l’âge adulte - et devenu passablement cinéphile - et, bien entendu, je ne l’aimerai pas. Quand je pense à la souffrance que j’ai pu endurer pour une cause aussi dérisoire… (Même si, à bien y réfléchir, la cause véritable n’était peut-être pas si dérisoire que ça : où va se loger, parfois, le sentiment de notre intégrité !) Parfois, à l’occasion d’une séance de lecture - ou de cinéma -, je me demande si je parlerais sous la torture. (Si le livre - ou le film - est un minimum honnête, on n’a pas trop de doutes. « Nul ne sonde les reins ni les cœurs - à part Dieu. » dit quelque part un autre Emmanuel - Kant -, mais la torture est prométhéenne, elle ôte à Dieu ses prérogatives - quand elle n’est pas faite en son nom : les reins et les cœurs, elle les sonde à sa façon, à la lettre parfois, et le résulte du sondage est pratiquement toujours le même : le « oui » l’emporte, à une écrasante majorité, et il l’emporte, non pas tellement sur une infime mais irréductible minorité de « non » que sur une large masse de votes « blancs » : ceux qui sont morts avant d’avoir parlé.) Bref, vous l’aurez compris, quand je dis que je me demande si je parlerais sous la torture, je ne veux pas dire que je me demande si j’appartiens aux petits cercles d’élus qui surmontent l’épreuve de la torture (comme s‘il s‘agissait d‘un concours!), je ne crois même pas appartenir à la minorité héroïque (ou fanatique) qui se tait jusqu’à la mort, non, je me demande simplement si ma faible constitution me fera tombe raide dingue ou raide mort avant d’avoir parlé et si, dans le cas contraire, j’aurais encore la force d’avoir honte en repensant à cette histoire de sweat shirt (parce qu’en dehors de ça, y’a pas de honte à parler sous la torture, hein, la torture fait honte, mais pour d’autres raisons). Ah, oui, dernier détail : mon coude porte encore les marques de ma déchéance. Je les exhibe rarement. Rarement de propos délibéré, en tout cas. Ce ne sont pas des blessures de guerre. (En fait, maintenant que j‘y pense, ça ne ferait pas beaucoup de différence : la plupart des blessures de guerre, ce ne sont pas des choses qui se montrent.)

2. Je fais partie du contingent de « faibles d’esprit » que la contemplation des exploits de Judo Boy a amené à s’inscrire dans un club. Je me suis arrêté à la ceinture jaune, il me semble. (C’est-à-dire pas très loin.) Les séances d’entraînement devaient me faire rater Astro Boy, un truc dans ce goût-là. Ah, les garçons… (Bon, je vous rassure : entre-temps, j’ai grandi, j’ai vu mon quota de films de guerres, je ne me suis pas engagé pour autant. Bon, c’était peut-être parce que j’avais lu Astérix à un âge encore tendre : « Engagez-vous, rengagez-vous qu’ils disaient ! ») Ah, oui, et j’ai fait de la danse aussi.

3. Je suis allé à l’église et même au catéchisme; j’ai été baptisé et même confirmé - un peu plus et ça se terminait en ordination, cette histoire ! Quand je pense à tout ce que j’ai pu faire par complaisance, j’ai honte. Bon, ça, au moins, je me dis que je peux le défaire.

4. Je n’ai pas participé à la minute de silence censée saluer la mémoire de François Mitterrand. Ni à celle censée témoigner notre compassion aux victimes des attentats du 11 septembre 2001. (En ce qui concerne la première de ces abstentions, il me faut remercier au passage Marjolaine Lenel : si tu n’avais pas été là ce jour-là, je ne sais pas ce que j’aurais fait ; si jamais tu lis ces lignes, sache que j’ai conscience de te devoir une fière chandelle.) Par contre, j’en ai fait une tout seul dans mon coin (même si je suis bien sûr que bien d’autres en faisaient de même dans leur coin, sans concertation) après avoir vu V for Vendetta. (« Ils sont morts cent-dix fois, pour que dalle et pourquoi? », chantait Ferré; réponse de la Wacharski Bros : « Pour qu’on les tue une cent-onzième. »), ainsi qu’un tas d’autres fois - dont je ne parlerai pas, parce que je serais encore moins léger -, après bien d’autres attentats à la décence humaine la plus élémentaire auxquels ils m’a été donné d’assister. Comme quoi, j’ai perdu le sens du péché, mais j’ai gardé celui du sacré.

5. « Make ever day a holy day. » : sur mon avant-bras, certains matins, j’écris ce précepte pour être sûr de ne pas l’oublier.

6. Je me méfie des imitations et surtout de celles de Laurent Queyssi, qui essaie régulièrement de me faire croire qu’il imite très bien Garcimore, Alors qu’il imite très mal Apu.

samedi, janvier 13, 2007

The Zombies (1961-1968)

Laurent vous en a parlé, je vous les montre.

Bon, d'accord, ce n'est pas Odessey and Oracle, mais c'est tout de même un de leurs classiques...

vendredi, janvier 12, 2007

Le comeback de l'année : le retour.

Bill Sienkiewicz a changé d'adresse. Enfin, il a changé l'adresse de sa page Web.

Allez vite y faire un tour.

http://www.billsienkiewiczart.com/

Surtout si vous avez envie de découvrir Big Numbers.

http://www.billsienkiewiczart.com/gallery.asp?sc=BSBN1

jeudi, janvier 11, 2007

Le comeback de l'année...

Ce sont les vrais. Si si...