Explication de texte
Aux yeux des gens respectables - de ceux qui ont le genre respectable ou bien qui cherchent désespérément à se le donner - une telle manifestation d’irrespect (une prise de distance aussi « voyante » par rapport à leur sens « intime » - sinon « inné » - c’est-à-dire, en fait, non-distancié ! - des distances « à respecter » - et à afficher - et des limites « à ne pas dépasser », qui sont pour eux de l’ordre de l’« évidence »), une telle manifestation, donc, ne peut manifester qu’une chose : c’est que, désormais, « tout est permis ». Les autres m’accorderont, je l’espère, que certains désirs, certaines aspirations, certaines revendications ne peuvent parvenir à l’existence pratique - avant même de faire valoir leurs raisons d’être et leur légitimité à s’exprimer - sans transgresser les frontières du « possible », du « faisable » et du « pensable » dans leurs univers d’origine, ni parvenir à l’existence publique sans remettre en cause les limites du « présentable » et du « représentable » dans l’espace public ni enfin, bien entendu, parvenir à la reconnaissance publique sans « défendre son morceau de beefsteak symbolique », comme dit Jean-Claude Passeron, et, par conséquent, appeler à modifier la carte, sinon l’ordonnance, du monde social, de l’univers connu et reconnu : bref, que, pour certaines « causes », il n’y a d’autre choix « réaliste » que de « demander l’impossible », et de le demander, bien entendu, sans demander auparavant la permission de le demander. Si bien que si, aux yeux de certains, l’existence de telles manifestations signifient que « tout est permis » dans le monde social d’aujourd’hui, à mes oreilles elles ne font que rappeler que « tout est politique », nécessairement politique, dans la venue à l’existence publique de ce que ce monde rejetait hier encore comme « immondice » .
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